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10 ans après Xynthia, où en est la prévention du risque ?
Une conférence organisée le 17 décembre dernier par la fondation MAIF(1) a permis de dresser un état des lieux des mesures prises pour lutter contre le risque de submersion, dans le contexte du changement climatique.
Vingt ans après les tempêtes Lothar et Martin (1999) et dix ans après Xynthia (2010), la question de la prévention du risque n’a jamais été autant d’actualité, surtout dans la perspective inquiétante du changement climatique. Le 17 décembre dernier, la médiathèque Michel-Crépeau organisait, en collaboration avec l’Ecole de la mer, une conférence intitulée « Face aux colères de la mer », en présence de Marc Rigolot, directeur de la fondation MAIF pour la recherche, Michel Hontarrède de Météo-France et Christian Gutierrez, administrateur de l’association Prévention MAIF. Les dernières études scientifiques, évaluant la montée des eaux de 60 centimètres à 2 mètres à l’horizon 2100, obligent les pouvoirs publics à anticiper le risque afin de protéger les personnes et les biens. Sans parler des tempêtes et autres phénomènes climatiques, qui pourraient connaître une amplitude de plus en plus importante. Pour Marc Rigoulot, cette question du réchauffement climatique, bien réelle, permet trop facilement à l’Homme de fuir ses responsabilités à court terme. « On se cache trop souvent derrière ça pour expliquer nos malheurs. Dans le Var, les communes qui viennent de connaître de graves inondations ont toujours été sous l’eau. Le changement climatique a bon dos, mais la vérité, c’est qu’on s’est mis là où il ne fallait pas ! »
Course aux littoraux
En matière de risque, la notion « d’aléa » indique le croisement entre un phénomène naturel et des enjeux, autrement dit des phénomènes anthropiques : un ouragan en plein désert n’aura pas les mêmes conséquences qu’en zone habitée. Lorsqu’on parle de risque « submersion », la Charente-Maritime, qui représente à elle seule « 60% des indemnisations par les assurances » lors de la tempête Xynthia(2) en 2010, fait office de département à risques avec nombre de constructions en zones basses, notamment dans l’ancien golfe des Pictons, autrefois recouvert par la mer. Certes, les vimers, ces sortes de mini-tsunamis charentais, ont toujours existé à l’image de ceux de 1537 ou de 1711, dont un contemporain rappelle qu’il fut si important sur l’île de Ré « qu’il faillit submerger l’île toute entière ». Mais les habitants locaux, conscients des dangers de l’océan, ont toujours construit leurs villages en retrait, quelques centaines de mètres à l’intérieur des terres.
Depuis 1945, l’héliotropisme et la course aux littoraux ont changé la donne, multipliant les constructions dans des zones vulnérables et par la même occasion les enjeux. « Quand les premiers Parisiens sont arrivés, ils ont voulu des maisons en bord de mer. Les élus ont cédé, et on a fini par construire partout, souvent avec des techniques pas adaptées au risque », analyse Marc Rigoulot. En zone inondable, il s’avère plus judicieux de carreler le sol des rez-de-chaussée, de placer les prises électriques assez hautes et les chambres à l’étage, ce qui n’est pas toujours le cas. Quant aux repères de crue, indispensables pour entretenir la mémoire collective du risque (comme c’est le cas au Japon), ils sont souvent placés à des endroits où personne ne passe, quand ils ne sont pas purement et simplement enlevés ! La raison ? « Cela peut faire peur aux éventuels futurs acquéreurs ». En outre, le spécialiste estime que la situation est d’autant plus inquiétante que les projections pourraient sous-estimer l’ampleur du risque : l’altitude des zones continentales (la cote NGF) serait erronée, et inférieure à ce que les cartes nous disent. « Ces calculs ont été faits par des satellites qui ont comptabilisé la hauteur des toitures des maisons ou des forêts au lieu de prendre la hauteur réelle du sol. Celle-ci est donc plus basse que ce qu’on estime, et les conséquences seront plus fortes en cas d’inondation ou de submersion », déplore le directeur de la Fondation.
Enjeux financiers
La première des préventions est donc de savoir où on construit, et d’arrêter de le faire dans les zones sensibles. Autrement dit, il s’agit de limiter les « risques prévisibles », sur lesquels l’Homme peut avoir une emprise directe. Comme le rappelle Marc Rigoulot, citant l’exemple de l’île de Ré et des difficultés par l’Etat d’imposer en 2012 un nouveau Plan de prévention des risques naturels, les « enjeux financiers sont souvent énormes », si bien que la sécurité des biens et des personnes passe après. C’est tout le paradoxe de la prévention du risque : des citoyens qui exigent toujours plus de protection tout en se rapprochant toujours davantage des littoraux…
(1) Reconnue d’utilité publique, la fondation MAIF finance des travaux de recherche de scientifiques ou de start-up dans le but de faire progresser la connaissance du risque et de la diffuser auprès du grand public.
(2) Le bilan fut de 53 morts, 79 blessés, 2,5 milliards d’€ de dégâts, 200 km de digues à reconstruire, 52 000 hectares de terres submergées
L’adaptation de Météo France au risque
La conférence du 17 décembre a réuni trois spécialistes de la prévention du risque. La première des préventions passe par la connaissance du risque météo, d’où la participation de Michel Hontarrède, ancien directeur de la station météo de La Rochelle, à la conférence du 17 décembre dernier. Lequel a évoqué les dispositions prises pour une meilleure information du public suite à plusieurs catastrophes climatiques ces vingt dernières années, et notamment les violentes tempêtes de décembre 1999 Lothar et Martin. Le 1er octobre 2001, l’Etat décide alors de créer des cartes de vigilance météorologique (jaune, orange ou rouge en fonction des risques) portant sur cinq paramètres : vent violent, fortes précipitations, orages, neige-verglas, avalanches. L’épisode de la canicule de 2003 a rappelé aux Français « qu’on pouvait mourir de la chaleur », d’où l’ajout du critère de vigilance « canicule ou à l’inverse grand froid » à partir de 2004. « Souvent, il faut des catastrophes pour faire évoluer le système », souligne Michel Hontarrède.
Un autre exemple est donné par la tempête Xynthia de 2010. Lors de cette dernière, le risque d’une tempête et sa trajectoire avaient été bien anticipés et annoncés (vigilance rouge « vents violents » pour la Charente- Maritime), même si son intensité a surpris les météorologues. « Nous avions annoncé une tempête hivernale avec des vents à 130 km/h alors qu’ils furent de plus de 160 km/h. On a même atteint des pointes à 200 km/h à Royan avant que l’anémomètre ne casse », admet Michel Hontarrède. Surtout, elle entraîna un phénomène de submersion marine ravageur, dont les conséquences furent catastrophiques. Jusqu’à présent, la vigilance « rouge » pour vents violents préconisait aux gens de ne pas sortir de chez eux. « Lors de Xynthia, nous avons été surpris quand il y a eu les premiers appels de gens qui se noyaient chez eux en Vendée », souligne le météorologue. C’est ainsi que la vigilance « vagues-submersion » a été intégrée au dispositif, qui compte à ce jour pas moins de neuf critères de dangerosité. On peut se demander si la multiplication des alertes ne risque pas à terme de banaliser le risque chez les citoyens, à l’image de la Charente-Maritime placée en alerte orange « inondations » plusieurs jours d’affilée en décembre alors qu’un seul cours d’eau du département représentait un risque de débordement. « Nous réfléchissons à la mise en place de cartes de vigilance infra-départementales pour affiner le risque au niveau local », explique le spécialiste.
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